Dessins d'eau, la peau de l'eau
Dessin d’eau, Vingt-et-unième jour / Sixième jour / Huitième jour / Quatorzième jour, avril 2018, eau, encre sur papier, 36 x 51 cm et vue d’exposition en lien avec une projection vidéo.
Projet sur l’idée de pureté de l’eau
L’ eau pure n’existe pas à l’état naturel.
Le liquide devient alors une espèce chimique artificielle de laboratoire confiné ne contenant rien d’autre que sa molécule H2O. La substance primordiale dénudée demeure pourtant multiple, double. Le solvant isolé a la liaison hydrogène ceinturée.
La pureté de l’eau prend un premier sens lié au sacré dans cette impossibilité où le spirituel bâti une quête. De nombreuses eaux se succèdent ensuite du propre au potable. Les eaux purifiées ou les eaux purifiantes sont en réalité des eaux contaminées, des eaux souillées, des mélanges.
La pureté est la dissolution.
Un deuxième sens, lorsque l’on associe l’eau à la pureté, élève l’eau à l’état de substance sacrée puisque rare et précieuse autant qu’indispensable. C’est l’eau qui purifie, c’est-à-dire lave, nettoie, rince.
Elle purifie… autrement formulé; elle dissout et emporte ailleurs.
L’accueil infini de l’eau est sacré.
Mais c’est en souillant l’eau que la pureté se fait.
Naissent les eaux impures, colorées, odorantes, visqueuses, chargées de composés, de contaminants, de polluants. Entre pure et impure il y a un déplacement d’eau, un voyage. Ces eaux rêvent des paysages dont elles sont la géologie.
Qu’elles sont les formes et les textures de ces fluides?
Qu’est-ce que l’eau fait à la forme? À la matière?
Quelles traces recueille – t – on?
Ces eaux génèrent des formes, elles dessinent et elles sculptent au cours d’étranges rituels de purification. Il n’est pas exclusivement question d’ un enregistrement de la substance, mais d’ une tentative de symbiose. C’est l’eau dont nous sommes fait qui dessine et sculpte. La matière liquide, elle-même, porte la notion de fluidité. Elle, qui s’imprègne constamment de tant, de tout, sans jamais oublier son être eau.
Universelle par son constant refus de pureté.
J’évoquerais les eaux plutôt que l’eau au singulier. Il me semble qu’elle n’existe qu’au pluriel. Les éléments multiples s ‘abandonnent à elle, pour être portés puis déposés en forme quelque part en de nouvelles configurations. L’eau génère les formes. Elle même, informe, peut les prendre toutes. Et dans son adhérence aux surfaces, elle peut les montrer toutes.
La substance informe par gonflement, goutte ou structure autant par sa présence effective que par les dépôts de son passage.
Car l’eau liquide partout disparaît, elle gonfle et s’évapore.
Dans cette métamorphose, dernière auto-purification, le changement de phase libère la molécule.
Les flots laissent des restes dans un ultime geste de beauté. Les ornements fossiles de son passage sont presque les témoins d’un sacrifice: le refroidissement offert par l’évaporation…
Jusqu’au prochain nuage.
Mon exploration aqueuse est constituée de gestes essentiels et fragiles. Ils se parent en même temps d’une dimension poétique et symbolique, empruntant à différents temps.
De cet anachronisme réuni naît, entre image brute et figuration, un autre dire de l’eau, une compréhension subjective, intime et poétique du monde. L’eau accentue de plus la dimension temporelle de l’oeuvre. Elle fait entrer d’autres temps, un temps minéral, celui de la vie de l’eau dont le voyage géologique lui a apporté sa composition; un temps physique, terrestre, de la vie de la terre et de son climat affectant les états de l’eau et un temps cyclique lié à sa participation aux vivants.
L’oeuvre s’inscrit dans un temps géologique, fait avec la sédimentation.
C’est par là que je cherche les formes de la fluidité, d’un être artiste fluide. L’eau est mon aide, par la présence poétique de sa matière et par son expérimentation sensible. Elle est une collaboratrice, une énergie vitale, communiant avec l’eau des choses et des êtres.
C’est l’eau pour elle-même…
Tsama do Paço
Peaux d’eau
Ici, l’encre donne à voir la peau de l’eau, de son mouvement, de sa réponse à un impact. Une peau de l’eau comme pour faire parler la substance.
Petite pratique divinatoire allant dans le fluide chercher de nouvelles légendes. Les mers sont des icônes d’une origine qui chaque fois se réinvente.
L’impact de la goutte d’encre, la diffusion et la disparition de l’eau devient histoire grâce à l’encre. L’impact est un choc qui pénètre, une rencontre qui met en mouvement, fait onduler, montre le fluide.
Fluidité, là où tout vient au contact de tout, tout en gardant sa propre substance, l’espace aqueux est un accueil.
L’impact provoque la perturbation de l’équilibre, du statu quo, dans lequel la flaque se trouve, de l’équilibre des forces. La diffusion ondule, modèle la tranquillité de la flaque.
Il se passe ensuite des choses liées au substrat qui est traversé, qui reçoit, vit l’expérience de l’eau et du dépôt, ainsi qu’au temps.
Il est toujours question de temps et de ce qui se dépose.
Restera la pellicule, la surface, la peau de l’eau. Encore une fois la disparition fait ici trace, et reste une mue de la substantiation, moins évidente est celle de l’impact, absorbé par l’informe, adouci par son ondulation.