HOLOBIONTES
Holobiontes, novembre 2022 en Trégor, coton mordancé et engallé, plantes herbacées, 1 m x 2,60 m.
HOLOBIONTES ET PHYTOGÉOGRAPHIES
Holobiontes est le déroulé d’un paysage suspendu. Le titre empreinte ce terme à Donna Haraway. Il désigne les êtres composites, les complexes, un ensemble d’êtres vivants en symbiose, de vivants entremêlés. Le paysage empreinté est composé de l’empreinte de la strate herbacée, couleur, forme et textures sont incrustées dans le tissu. Les plantes locales, les végétaux d’un lieu-milieu sont prélevés in situ lors d’arpentages. Ce sont des cartes, situées spatialement et temporellement, localisées et saisonnières, des phytogéographies. Il s’y concentre, tout en s’y succédant les différentes biocénoses végétales rencontrées lors de marches localement. Cette couche, qui se trouve très proche du sol, est souvent aperçue comme un aplat vert de diverses densités et ponctué parfois de tâches colorées florales… Au niveau du regard la strate se dévoile et étale de façon panoramique ses diverses espèces végétales tout en en déployant la richesse de formes et de couleurs.
Explorer le végétal est un voyage. Un végétal est presque un autre univers, tout y existe d’une autre façon. Dans cette oeuvre et plus généralement dans mon travail, l’homme et son lien au vivant est exploré par le biais d’une expérience haptique. Le toucher est la source d’une connaissance-connivence par laquelle se découvrent et s’inventent de multiples relations. Le sens du toucher réduit la distance et étoffe les relations possibles. Déployé pour cultiver notre sensibilité aux végétaux, il révèle leur dimension systémique. Ainsi, l’inventaire réalisé par le recueil de formes in situ n’isole pas chaque plante comme dans les herbiers, mais compose avec toutes les autres une frise complexe, un paysage, sorte d’inventaire écosystémique. Un jeu de symétrie binaire conserve les deux faces de chaque élément de la plante, perturbe les repères de ce nouvel étagement de la végétation et emporte les plantes dans des jeux de métamorphoses.
L’empreinte véhicule ainsi des notions intéressantes. Elle peut être le support d’une pensée et d’une sensibilité renouvelée. Chaque invention et déploiement de l’empreinte invite au renouvellement de nos modes de relations avec la pluralité des existences qui font monde avec nous. L’empreinte est une survivance technique. À la fois archaïque, rudimentaire et constamment réinventée, elle offre des expériences de la relation intuitive entre geste et matière. Toujours expérience de la relation entre divers éléments, ou encore synergie entre de multiples facteurs physico-chimiques, cette technique permet une expérience matérielle ouverte laissant place au surgissement.
Ici l’empreinte cherche à recueillir des présences. Elle constitue avec l’ensemble des processus mis en oeuvre ( marche, récolte, déploiement spatial… ) un dispositif de captage adhérant au réel afin de brancher la représentation au vital. L’oeuvre évoque un monde qui ne se résume pas, mais se déploie, se détaille, à l’aide d’un regard incorporant la tactilité des choses.