Les gestes qui sédimentent, Tissus fossiles
Tissus fossiles, avril 2018, fragments de verre, tissus, série d’éléments de dimensions variables.
Les gestes qui sédimentent
La plasticité du monde est un terrain de jeux pour la création.
Prélève des processus d’apparition de formes à ré-inventer dans l’atelier,
explore la beauté des cartes, cherche la poétique du temps géologique,
empreinte les matières du monde…
Quel est le devenir-paysage de la matière transformée par la nature humaine? Comment faire œuvre que ce soit en sculpture ou en dessin, par des gestes qui sédimentent, par le devenir volume de la surface? Autrement dit, comment sculpter et dessiner par strates, par sédimentation, par accumulation d’un infime phénomène dans le temps? Comment cet infime, ce presque non visible devient un principe modelant?
La sédimentation m’intéresse car la forme change de genèse. Elle émerge des interactions de couches, à la fois au niveau de la matière même de la forme qu’à celui de l’ensemble des éléments convoqués pour la naissance d’une oeuvre.
L’accumulation de surfaces devient profondeur ou croissance.
La sculpture devient une histoire de couches et de gouttes.
L’artiste se prête au fluide. Et cette fluidité fait paysage.
La superposition s’étend à différents niveaux. Puisque nous questionnons le réel par différents angles et disciplines, la matière investit diverses représentations. Elle se juxtapose à des couches de savoirs, de signes dont les symboles, d’informations à la fois scientifiques et poétiques. Cet ensemble d’hétérogénéités liées se déployant dans différentes directions selon des principes de croissance et de contamination, fait apparaître un archipel, une cartographie spatialement et temporellement.
Les superpositions, enchevêtrements et télescopages génèrent des complexes, dont la poétique doit nous faire partager le mystère du réel.
Je les nomme sculpture-paysage.
La sculpture y est un cadre temporel où a lieu une sédimentation.
Étant imprégnée par les notions de fluidité et d’immersion, il s’agit aussi de tenter d’être eau, d’être temps; d’être une force agissante transformant la matière en éléments pouvant former un paysage, d’être Nature et d’en inventer se faisant des formes ontologiques.
Quel sublime se cache dans l’ère de l’Anthropocène?
Qu’est-ce ce moment de l’histoire de la Terre auquel l’humain devient force géologique et marque de son activité consommatrice les couches géologiques profondes? Effet collatéral de l’ empreinte à laquelle s’ajoute l’accumulation de déchets en un paysage artificiel envahissant, se substituant au Naturel?
Je choisi de faire l’hypothèse d’un humain symbiotique comme autre alternative à un Univers sans l’homme. L ’artiste tente alors une approche inspirée d’autres cultures, du génie naturel et invente d’ autres rapports au monde. Il tente une expérience poétique; celle du temps géologique par des gestes qui sédimentent.
Comme chaque espèce, débattre à nouveau le contrat du monde et devenir.