Le travail de Tsama do Paço part à la découverte du monde dont nous héritons, afin de cultiver des alliances avec lesquelles composter d’autres possibles, écrire d’autres mythes, réinventer des cosmogonies et transformer les représentations. Artiste et herboriste, arpenteuse tactile, marcheuse, cueilleuse, elle sème et récolte des histoires et des présences. C’est par le contact avec les végétaux, le sens du toucher prolongé par l’empreinte et la recherche d’autres façons de penser et représenter le paysage qu’elle propose de s’inscrire dans le sillage d’une tendance actuelle qui cherche à reprendre collectivement contact avec le monde, à comprendre l’exigence de réciprocité de l’homme envers les autres existants de la planète. Sa recherche consiste en une expérience de co-habitation avec les végétaux et l’invention de techniques d’empreintes végétales traduisant et partageant par la production d’oeuvres les enseignements d’un tel tissage. Par l’expérience de l’immersion et des échanges réciproques, elle cherche à reconnaître ce vivant végétal, et à donner à ressentir les liens que nous entretenons plus ou moins consciemment: comme la respiration est liée à la photosynthèse, la consommation d’un fruit est liée à la reproduction d’un arbre ou d’une baie, ou encore le parfum, le pouvoir médicinal de certaines plantes peut être mis en relation avec l’utilisation par les plantes des composés chimiques pour se défendre, communiquer… Par des jeux d’échelles, de lumières, de formes, de textures et de matières, les plantes se révèlent comme paysage. Il s’agit de nommer le paysage par ce qui le constitue, ce qui vient du monde, sans s’en extraire ni l’abstraire. Les caractéristiques de l’empreinte en font une investigation poétique du mystère du réel, support d’une pensée et d’une sensibilité renouvelée.
En tant que zone délaissée, les zones de Tiers paysage échappent aux entreprises humaines de gestion et en cela s’ensauvagent. Pour l’artiste elles évoquent un autre paysage, une chimère entremêlant le domestique et le sauvage, en un « complexe-paysage » vivant, en devenir, l’oeuvre elle-même, non « finissable », car mouvante, en métamorphose et réinvention permanente, source-s d’oeuvres-traces, d’empreintes, d’images-instants. Les gestes artistiques de Tsama sont ceux d’un monde qui à changé, fait de vivants et non d’objets, dans lequel les sols et la zone critique des vivants nous permettent de penser notre manière d’habiter « avec », notamment les marges, les chutes produites par toute anthropisation. En ensemençant les lisières, son art nous rendra sensible à la beauté des paillis, aux laitues et navets montés en graines, aux compostages, aux plantes sauvages, adventices, messicoles, commensales et de friches, herbes folles et mauvaises, aux communautés-cortèges de plantes, aux histoires qu’elles racontent en tant que bio-indicatrice de l’état du sol, de leur chronologie de succession de pionnière à la forêt. Entremêlant les plantes sauvages à d’autres plus ou moins cultivées ou re-introduites, présentées comme mellifères, aromatiques, médicinales, comestibles, tinctoriales… Tsama do Paço invite à voir, à sentir, à gouter, à entendre, à toucher les plantes, présentent sous d’innombrables formes dans toutes les activités humaines.